Le travail de Daniel Dezeuze s'inscrit dans la continuité d'une réflexion portant à la fois sur la remise en cause de la cimaise et de l'espace idéaliste qui l'ont conduit à explorer de nombreuses voies. Optant pour l'utilisation de techniques multiples et diverses, Daniel Dezeuze s'inscrit dans une relecture de l'art américain sans nier une réelle jubilation pour l'utilisation de matériaux considérés comme pauvres. La conceptualisation générale de son œuvre se sert des supports les plus variés comme champ d'expériences. Il existe une dimension énigmatique et ludique qui le pousse à ré-utiliser le dessin de façon provocante en se jouant des références culturelles (balistiques ou chinoises). On peut parler à son sujet d'un travail en perpétuel mouvement où la pertinence le dispute à la sagacité.
Si sa fameuse oeuvre de 1967 intitulée Châssis avec feuille de plastique tendue permet de mieux comprendre par l'exemple les préoccupations de Supports-Surfaces au travers d'une composition explicite, elle met aussi en lumière la défiance de l'artiste vis-à-vis de l'expression pariétale. En effet le tableau, objet omniprésent dans l'art occidental depuis des siècles, se trouve exposé dans son entière matérialité et l'artiste en propose à la fois une lecture matérielle et ironique. Le remplacement de la toile par une feuille de plastique transparent permet de voir la composition même du support tandis que l'espace d'illusion -la toile- disparaît pour le regard. Cette traversée dans la réalité même de la perception donne un caractère emblématique à cette œuvre et lui confère une place fondatrice par rapport aux théories du mouvement. Elle se trouve toujours posée au sol, appuyée contre un mur, dans une position d'attente.
Travaillant par la suite dans les années 1970 sur des extensibles et des échelles de bois souple, il continue sa pratique de déconstruction. Ces dernières lui permettent de dessiner dans l'espace et de proposer une lecture temporelle au travers de son volume. Elles peuvent se présenter déroulées à plat ou tordues, sur le sol et/ou contre le mur, les possibilités d'intervention liées au placage en bois souple demeurant multiples. En effet ces bois spéciaux, utilisés par les artisans du Faubourg Saint Antoine, où se trouvait son atelier, ont tendance à reprendre la forme originelle du rouleau. La souplesse de la structure géométrique part du carré puis peut s'enrouler et aller vers le cercle. Et le processus peut s'inverser à nouveau. Ici aussi sans fin. Une quadrature du cercle, en quelque sorte.
Les armes de poing et de jet à la fin des années 1980 ne cachent pas un projet guerrier mais une représentation possible du concept d'énergie. Elles suggèrent aussi une possibilité d'expansion liée à la trajectoire même de ces armes. L'existence d'un tracé imaginaire, celui qui part de l'arme pour aboutir à sa cible, constitue dès lors un nouvel espace. En construisant ainsi ces objets, à partir d'éléments de rebut, l'artiste leur donne un caractère "domestique", lié à ce bricolage et en totale contradiction avec la technologie guerrière. Le décalage entre l'art et la guerre se trouve donc visé.
De même la pratique du dessin permet à l'artiste de dépasser un certain formalisme réducteur. Une série intitulée La vie amoureuse des plantes met en lumière la liberté gestuelle très forte, Ces dessins, plus esthétiques que d'autres, remplissent une fonction émotive mais aussi calligraphique. L'artiste travaille en expansion, espérant rendre au mieux la dynamique de la nature. Une abstraction figurée, avec des références sous-jacentes à la peinture chinoise.